#2 : Une application d'interprétation patrimoniale en situation de mobilité (AIPSM), ce n'est pas...

Essai sur les antonymes à un concept mal appréhendé, dont la compréhension par le visiteur, mais aussi le maître d'œuvre, est pourtant (évidemment) le prérequis à sa réussite.

Cela fait une dizaine d'années, au moment où nous écrivons ces lignes, que nous concevons des AIPSM et nous constatons une mécompréhension persistante quant à leur nature même.


Pour tous les antonymes que nous allons évoquer ici, il peut paraître évident qu'il s'agit de concepts sinon opposés, au moins foncièrement différents de ceux sur lesquels reposent les outils d'interprétation. Pourtant, nous constatons régulièrement que, si nos commanditaires potentiels identifient très bien la vocation finale et donc les prérequis pour les supports physiques, il n'en est pas forcément de même pour les supports digitaux, surtout dans le cas des outils applicatifs.


Dans ce premier article traitant de ce vaste et dense sujet, il nous a donc semblé pertinent de déterminer, avant toute chose, ce que les applications d'interprétation patrimoniale en situation de mobilité NE SONT PAS !


Des supports d'information touristique :


Les supports d'information touristique ont été parmi les premiers à bénéficier d'un portage sur mobile. Il est en effet assez simple de transposer les outils physiques tels que les agendas des événements, les annuaires des sociopros ou encore les plans de ville vers un format digital de poche.


Il s'agit d'une transposition basique ou le vecteur textuel reste prédominant et qui peut, qui plus est, bénéficier d'une alimentation automatisée par un SIT. Les Systèmes d'Information Touristique (ex.: APIDAE, Tourinsoft), sortes de "méga" bases de données des événements, des prestataires, des activités et des points d'intérêt d'un territoire, permettent en effet d'alimenter en une seule saisie plusieurs supports (ex : un site + une app + une brochure en ligne +...).


Pouvant tous deux adopter une logique de type "tableau Excel", le SIT et l'application d'information touristique forment un couple intéressant, car leur relation se fait de manière automatisée sans grand impact sur le quotidien des personnels d'Offices de Tourisme par exemple. La mise en place de leur liaison initiale n'est pas techniquement très compliquée non plus, il "suffit" de les associer par une passerelle qui opérera une mise à jour récurrente du flux de données.


Ce faisant, les applications d'information touristique ont constitué une sorte de premier pas des territoires et sites touristiques dans la sphère du numérique mobile. Ces applications (souvent standardisées et retoilettées en fonction du client) ont enrichi leurs fonctionnalités au fil du temps. Proposant originellement une approche de type "listing" (découlant directement des annuaires et agendas), elles ont incorporé des approches cartographiques et la gestion de médias audio/vidéo voir interactif.


Pourtant ces applications ont été originellement conçues comme (et restent) des applications d'informations touristiques auxquelles on ne peut demander de se substituer à un support dédié à l'interprétation patrimoniale en situation de mobilité. S'il nous fallait faire une analogie avec les supports physiques, considérer qu'une application d'information touristique peut se substituer à une application d'interprétation patrimoniale, reviendrait à tenir pour acquis que les 300 caractères de présentation d'un monument dans un Guide du Routard sont équivalents à une visite de ce même lieu avec un guide conférencier.


Vous l'aurez compris - nous vous l'avions annoncé - une application d'interprétation patrimoniale n'est pas une application d'information touristique... et inversement !


Des supports de communication et de promotion touristique :


S'il est indéniable que les smartphones, le web et tout ce que l'on peut mettre dans cet acronyme fourre-tout de "TIC" sont des vecteurs de communication de premier ordre à notre époque, il est pourtant dangereux de trop généraliser en considérant que "tous les produits numériques sont des supports de communication".


Dans le cas des AIPSM, nous irions même jusqu'à dire que "c'est tout l'inverse" ! Et pour cause : elles-mêmes nécessitent des plans de communication très étudiés pour trouver leur public. Comment pourraient-elles alors servir de support de communication de premier niveau ?

L'écueil à l'origine de cet état de fait est le mode de diffusion des applications mobiles : les magasins, ou "stores" d'Apple et de Google. Pour une application avec un objet très spécifique¹ et un usage naissant et non récurent², les magasins d'applications sont de véritables oubliettes qui regorgent d'apps pourtant qualitatives, mais pas ou très peu téléchargées. Pourquoi ? Car on les a considérées à tort comme des supports de communication et de promotion par nature ou, a minima, l'on ne s'est pas posé la question du plan de communication à mettre en place pour les faire connaître.


Attention, une application d'interprétation patrimoniale peut servir de relai de communication et faire la promotion d'autres produits et services. Elle est à même d'aiguiller les flux de visiteurs vers des lieux prédéterminés, des sociopros, des prestations complémentaires, mais il s'agit là d'un "plus", de l'aboutissement d'un processus qui ne peut de toute façon fonctionner que si l'utilisateur a téléchargé ladite app...


Vous nous aurez vus venir à nouveau, l'application d'interprétation patrimoniale ne peut pas être son propre canal de communication. Pire ! Il est nécessaire d'en faire la promotion... comme toute autre offre touristique.


Des supports de guidage routier, de randonnée, de balade à vélo :


Attention, l'application d'interprétation patrimoniale, telle que nous la concevons, est bien une application géolocalisée proposant un guidage de l'utilisateur en temps réel sur une cartographie interactive avec potentiellement un déclenchement automatique des points si cela apparait pertinent. Cependant, cette forme de guidage est spécifiquement liée eu mode de déplacement (à pieds) et à la distance concernée (celle que l'on peut/veut décemment couvrir à pied à l'occasion d'une visite guidée).


Le guidage routier répond pour sa part à des exigences de sécurité et de précision tout autre. Pour toucher du doigt l'ampleur du problème, imaginez le nombre d'ingénieurs et d'années de développement qui ont été nécessaires à la création des systèmes de guidage de Google Maps ou de Plans d'Apple. À présent, imaginez le budget nécessaire à la conception d'une telle fonctionnalité et les logiques de responsabilité de l'éditeur en cas d'accident par exemple... Vous voyez ?

Mais fondamentalement, partons du postulat (pour ne pas dire le constat) qu'essayer de suivre une visite guidée tout en étant concentré sur sa conduite est une mauvaise idée (à l'heure de cette rédaction, la voiture autonome n'est pas encore une réalité...).


La pratique de la randonnée répond quant à elle à des aspirations différentes et couvre des distances qui ne sont pas comparables à celle d'une visite guidée. Tout d'abord, nous constatons qu'il s'agit généralement d'une approche "sportive" ou du moins, de pleine nature et que ses pratiquants ne sont pas forcément intéressés par le fait de s'arrêter trop souvent ou trop longuement pour se replonger dans un univers digital. Le terrain de pratique, ensuite, pose de nombreuses problématiques : zones blanches (quid du réseau data), zones étendues (quid de la batterie), couvert végétal important et multiples sentiers (quid du guidage et de la précision de la cartographie), patrimoine potentiellement peu présent (si l'on excepte le patrimoine naturel... mais faire une randonnée et un sentier d'interprétation faune flore ça n'est pas la même chose). Sans oublier que des applications dédiées à cette pratique existent et se concentrent sur le point essentiel : le guidage.


Pour la balade à vélo, enfin, nous serons moins catégoriques. Oui, la visite de ville à vélo est une pratique qui a le vent en poupe, car elle est plaisante, permet de couvrir des distances plus longues et de s'affranchir en partie du dénivelé avec l'essor du vélo à assistance électrique. Mais... combien de cyclistes ou cyclotouristes possèdent un support pour téléphone sur leur guidon ? Certes ça n'est qu'un accessoire, mais pour la réussite d'une application dédiée à la découverte à vélo, sa présence effective sur le guidon, elle, ne l'est pas. Elle est même fondamentale si l'app doit servir de support de guidage entre les points d'intérêts. En résumé, notre expérience : un tel outil ne peut être une réussite que s'il est adossé à une offre de location de vélos équipés.


Voilà, nous en avons déjà beaucoup dit, mais croyez bien qu'il nous a fallu nous faire violence et ne retenir que quelques contre-exemples, car nous savons d'expérience que nos commanditaires placent de nombreux espoirs et fantasmes dans les applications mobiles en général. Bien sûr, il y a les sceptiques, ceux qui croient qu'il s'agit de gadgets technologiques (spoiler alert : les AIPSM, ne sont pas non plus des gadgets... du moins elles ne devraient pas l'être), mais il y a surtout ceux, nombreux, qui croient qu'une app va leur permettre de (presque) tout faire en se basant sur de mauvais exemples. Mais, ce que peut faire et peut être une application d'interprétation patrimoniale, c'est une autre histoire, une autre approche, un autre article, que nous vous transmettrons bientôt.


    • 1 : ex. : un outil permettant de visiter un territoire identifiable et/ou identifié, avec son smartphone.
    • 2 : si la personne a le réflexe d'aller sur un store pour chercher une app de visite en prévision d'un séjour (cet aspect fera l'objet d'un article dédié...) il y a fort à parier qu'elle supprimera cette app à l'issue de celui-ci

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